Par Danielle Aznavourian : 08/07/2019 - 09:04
En été, la Forêt Urbaine du musée McCord revêt sa parure jaune et blanche. Diverses activités y sont programmées. Tous les mercredis du mois de juillet, un événement en partenariat avec Exeko anime la rue Victoria. Ce sont les rendez-vous 5@7 PoP-Up à saveurs philosophique et culturelle proposées par des médiateurs d’Exeko et du musée McCord autour des collections éducative et de photographie du musée. D’une semaine à l’autre, des questions sont posées sur l’histoire de la photographie, la production d’images ouvrant des pistes de réflexion sur l’authenticité des médiums, le progrès technologique, la représentation de la photo dans nos vies.
Retour sur les trois premières rencontres
Mercredi 3 juillet
C’est la première sortie de l’équipe d'Exeko conjointement avec celle de médiation culturelle du musée Mc Cord, l’ambiance est fébrile et l’énergie contagieuse. Muni.e.s d'un stéréoscope, Mathieu et Jérôme, médiateurs de la caravane philosophique idAction Mobile et Fanny, médiatrice culturelle au musée Mc Cord, arpentent les alentours du musée à la rencontre de participant.e.s. Ils croisent M. et ses amis. L’étrange instrument datant du 19ème siècle, séduit d’emblée. Il permet de visionner des stéréogrammes - un assemblage côte-à-côte de deux photographies, qui en fusionnant donnent l’illusion du relief. L’ancêtre de la photographie tridimensionnelle ! (3D). C’est ouf ! Wow !
Les photographies tirées de la collection Photographie du musée, en particulier celle du photographe William Notman, font voyager dans le temps à travers l’époque victorienne. Des vues de villes du Canada défilent sous leurs yeux émerveillés.
La photo est un prétexte à la rencontre, et de cet émerveillement naissent des discussions sur le progrès technologique, son rapport à l’authenticité, notre intimité dévoilée au quotidien.
Les médiateurs, invitent M. et ses amis, à visiter le musée. Là maintenant. Des cocardes d’accès leur sont offertes. Sous leurs regards incrédules, M. qui aime la lecture, finit par emboîter le pas aux médiateurs en direction de la caravane philosophique d’Exeko stationnée à la Forêt Urbaine pour faire son choix de livres.
La visite au musée sera pour plus tard. Aujourd’hui, “ça ne fitte juste pas”. Il s’en va avec des magazines du National Geographic sous les bras. Il sait qu’il peut revenir et que le musée l’accueillera tel qu’il est.
Autour de la van, des visiteurs de tous horizons s’interrogent sur sa belle présence. Que font les médiateurs d’Exeko, qu’est-ce que la caravane philosophique ? Un monsieur s’avance et nous dit :
- “Je viens vous voir et puis visiter le musée. J’ai entendu parler de la caravane dans les médias.”
Quel inattendu et stimulant brise-glace !
Touristes d’Espagne ou de France, entre amis, ou solo, travailleurs du quartier, passants montréalais ou visiteurs sortant du musée, ils s’arrêtent, scrutent curieusement les battants ouverts de la van, transformés en bibliothèque. Nous discutons autour du stéréoscope et de la photographie Polaroïd. Celle qui fixe l’instantané.
Qu’est-ce qui rend une photographie unique ?
- Celle qui représente la famille, celle du registre de l’intime.
Il est 19 heures, à l’ombre de la Forêt, les équipes débriefent. Cette première sortie, fait prendre conscience encore une fois, que l’accessibilité aux institutions culturelles ; musées, théâtres, salles de concert, galeries d’art,... est un enjeu pour les personnes marginalisées et à risque d’exclusion. En adoptant une posture inclusive, la ville devient plus humaine et la culture un droit pour tou.t.e.s. Nous sommes tou.te.s des acteur.rice.s de cette posture.
Le musée comme tous les mercredis est ouvert jusqu’à 21 heures. Ce soir, dix autres participant.e.s rencontrés dans la rue auront poussé la porte du musée Mc Cord.
La magie des rencontres, fixe dans nos regards, l’image d’un instant lumineux.
Mercredi 10 juillet
Les rencontres reprennent avec le binôme de médiateurs, Jérôme d’Exeko et Maud, du musée Mc Cord, accompagnés de Frédérique, agente de recherche à Exeko.
Sur le tableau de la van, deux questions interpellent les passants :
Qu'est-ce qui est plus authentique ; le numérique ou le Polaroïd ?
- L'authenticité est en lien avec ce qui nous interpelle selon notre époque et notre génération - un participant dans la rue
- The Kodak ! There is no magic such as a black and white photography . No need for colours ! - Luiz, un photographe du Brésil
- De toutes les photos numériques, je choisis LA SEULE photo AUTHENTIQUE - un passant montréalais
Es-tu Numérique ou Polaroïd ?
Intéressant de noter les réponses d’une génération à l’autre :
- It’s hard to say ! - Deux étudiants de l’université Concordia
- Definitely digital photography ! - Une dame dans la soixantaine
C’est sur une note d’espérance, un appel au progrès humaniste, que nos discussions prennent fin :
- Let’s hope for something more instant and authentic - une immigrante
La magie a encore une fois opéré autour du musée et de la van idAction Mobile, en créant “un espace d’échanges égalitaires” entre citoyen.ne.s ou visiteur.se.s et les populations marginalisées pour combattre l’exclusion.
Mercredi 17 juillet
Et de trois. Pour cette troisième sortie, Marc-André, médiateur au musée Mc Cord se joint à Jérôme et Frédérique, qui continue sa recherche sur le terrain.
La van comme à l’accoutumée, portes grandes ouvertes, est au rendez-vous.
L’équipe s’installe à l’orée de la Forêt Urbaine, sur la rue Sherbrooke, pour se rapprocher davantage des passants et participants.
Sur une feuille trône la question du jour : “La photo numérique offre-t-elle une représentation idéalisée du monde ?”
Serait-ce un NON - OUI - AVIS MITIGÉ ou AUTRE ?
Chaque catégorie est représentée par une couleur. Evidemment, toutes les réponses sont bonnes. Il s’agit encore une fois de réveiller le potentiel réflexif de chacun.e.
Peu à peu, la feuille blanche se couvre de Post-it.
Une étudiante à McGill, argumente en français - pour pratiquer - en se basant sur un fait vécu : “La photo idéalise et ne reflète pas le vrai visage de la personne : je pense à une personne en particulier, qui affichait un merveilleux sourire sur une photo mais une fois en contact avec elle, la réalité était autre, car celle-ci n’était pas aussi chaleureuse et joyeuse que la représentation de son image”.
Les avis s’enchaînent :
- Tout dépend du regard qu’on y met
- Qu’est-ce qu’idéaliser ? Il existe aussi un idéal de la laideur…
En visionnant les images stéréoscopiques, un participant s’exclame :
- Oldies are fancy they last longer !
Comme par magie, je croise les deux étudiants de l’université Concordia rencontrés le mercredi passé, et comme rien ne se perd dans les réflexions échangées d’une semaine à l’autre, nous proposons aux passants de piger des citations-réflexions émises par des participants lors des ateliers de médiation précédents :
- Le vrai progrès est de repartir à zéro.
Ce qui fait réagir une visiteuse originaire de Rivière-du-Loup: “Repartir à zéro est un aveu d’échec !” Et bam !
À Exeko, nous apprécions, le brassage d’idées. La sollicitation de l’intelligence collective. D., un brin sceptique quant à la destination finale des réflexions collectées, se prête conquis au jeu, lorsque je lui fait part de la mission et “présomption des égalités des intelligence”, la posture éthique d’Exeko.
Ainsi repart D., l’esprit nourri de ces échanges entre inconnu.e.s et découvertes d’instruments photographiques tels les Rolleiflex et stéréoscope des siècles derniers.
Vivement mercredi prochain !
Le prochain 5@7 aura lieu le 14 août, dans les wagons de MR-63!
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Rédaction : Danielle Aznavourian
Crédit photos : Danielle Aznavourian et le Musée McCord
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