Par Sébastien Gratoir.
La Tribune ouverte:
Nous laissons désormais la parole à nos bénévoles sur notre blog, l'occasion de vivre l’expérience Exeko d'un autre point de vue.
Sébastien est bénévole depuis quelques mois pour idAction et idAction Mobile, respectivement programme socio-éducatif et caravane de médiation philosophique et intellectuelle pour les autochtones en situation d'itinérance à Montréal.Découvrez Sébastien ici
Maxime, médiateur chez Exeko et moi-même, bénévole, arrivons dans le centre de jour de l’accueil Bonneau, organisme travaillant avec des personnes en situation d’itinérance. Daniel, également médiateur, est déjà installé dans le cercle formé de chaises au milieu d’une grande salle où certains jouent aux cartes, se reposent ou… discutent déjà avec lui. C’est lancé, on se présente et on propose le sujet du jour, « l’opinion publique » ! Cela fait débat, on discute et réfléchit à la différence entre « connaissance » et « opinion », la validité des sondages, … Maxime vient avec l’exemple des attentats de Boston. Qui et comment nomme-t-on cela du « terrorisme » ? Tout le monde a son mot à dire, les intervenants de l’accueil Bonneau nous aidant à gérer le temps et les demandes de parole de chacun.
Maxime et Daniel, dans la salle commune de l'Accueil Bonneau (C) Dorothée de Collasson
Plusieurs personnes, intriguées, s’ajoutent au cercle. Daniel recentre le débat et Maxime propose une mise en situation : il demande qui souhaiterait être président d’un pays. Quelqu’un se propose. Comment ferait-il pour bien gérer son pays, correspondre aux attentes du peuple et donc pour bien avoir leur avis ? Pas facile… cela amène à encore d’autres nouvelles questions. Un homme, discret jusqu’alors, intervient : « Moi, quand j’étais jeune, je n’osais pas donner mon avis, or, c’est un droit, le droit à la parole ! C’est une question de dignité. » Est-ce une question de manque de lieux pour parler, de peur de parler? Une intervenante de l’accueil Bonneau demande ce qui lui a finalement permis de s’exprimer. Il répond : « C’est simple… Grâce à un regroupement avec des intervenants comme ici qui m’ont montré que je pouvais être considéré et avoir confiance en moi. C’est peut-être niaiseux ce que j’ai dit mais ce n’est pas grave, au moins, j’ai donné mon opinion ». Elle renchérit en demandant si ici les participants se sentent entendus. «Oui, je m’entends ! », réponds l’un. Rires. L’heure et demi est passée rapidement, tout le monde semble satisfait du moment passé ensemble et on se remercie mutuellement. Daniel et Maxime avouent qu’ils avaient un peu de stress avant d’arriver mais sont également très contents des échanges qu’il y a eu avec une vingtaine de personnes finalement au total.
Accueil Bonneau
Une semaine plus tard, je retrouve les deux mêmes médiateurs-animateurs dans un petit café avant notre deuxième atelier sur « la place de l’artiste dans la société ». Il me confie, en plus du rôle de scribe que j’avais tenu, celui de réaliser une « carte mentale » des convergences et divergences d’opinion, en écrivant et plaçant au milieu de la table des petits cartons avec les mots et questions clés. Avec cet outil ainsi que la structure des questions préparées, il y aura moins de risque d’aller dans tous les sens. Nous sommes cette fois installés dans le local d’art parmi des instruments, peintures et dessins.
(C) Aurélien Chartendrault
Des nouvelles têtes mais aussi beaucoup de personnes déjà rencontrées, enthousiastes. On commence par un tour où chacun doit préciser comment il voit sa place comme artiste dans la société. Des années de musique, du spectacle, beaucoup d’écriture, de la peinture, … Pour la plupart, c’est difficile de les arrêter ! Par contre, certains ne se disent pas « artiste », on y reviendra… J’écoute, écris et place silencieusement mes bouts de papier, parfois sous l’œil interrogateurs de certains. L’art comme résistance ? Comme miroir de la société ? Faut-il un talent pour être artiste ? L’art serait-il moins spontané aujourd’hui ? Trop canalisé par les médias ? Par l’argent ? L’art comme souffrance ou expression du bonheur ? Les avis sur la place de l’artiste aujourd’hui dans la société ne sont pas très positifs… Mais un homme nuance… « Quand deux groupes se rencontrent, souvent ils se battent… quand deux personnes se rencontrent, elles peuvent «jammer » ensemble. » Je demande la parole quelques minutes avant la fin de l’atelier. Je fais un état des lieux des papiers que j’ai posé. Silence…
Le mind mapping réalisé par Sébastien (C) Sebastien Gratoir
Les participants semblent satisfaits de la « photo » prise des différents avis et certains confirment ce qui a été dit. C’est un défi pour moi d’être scribe, d’essayer d’être fidèle à ce qui a été dit... Mais au final, je suis heureux d’être responsable de rassembler toutes les traces de tout ce qu’ils nous ont enseigné. Dans tous les cas, des traces, ils m’en auront laissées…