Des jolies rencontres - par Sophie Segura Cerezo
Par nathan.girot : 11/21/2023 - 14:16
Au début du mois de novembre, j'ai accompagné David pour une sortie avec IdAction mobile. Après avoir fait face à un peu de trafic et discuté de nos parcours, nous sommes finalement arrivés sur un premier lieu.
David avait repéré au loin une sorte d'abri improvisé avec une bâche tendue pour se protéger du froid et de la pluie qu’un mois de novembre ne peut que promettre. Malgré quelques appréhensions et une petite pointe de stress, j'ai enfilé mes gants et sauté hors de la van avec en tête les mots de David, « nous sommes là pour humaniser les personnes que nous allons rencontrer ». En trottinant pour rattraper David, je me suis plantée à côté de lui. Il s'est présenté, m'introduisant par la même occasion. Trois personnes étaient présentes, et j'ai esquissé un sourire timide en croisant leurs regards. David a expliqué, en ouvrant la mini mobile, que nous étions d'Exeko et que nous avions tout un tas de matériel avec nous.
Juste après que David ait prononcé le mot livre, un monsieur s'est intéressé à ce que nous transportions. Il m'a demandé si j'avais un livre à lui proposer, et j'ai répondu que non, que je n'avais lu aucun de ceux que j'apercevais. Cependant, j'ai proposé mon aide pour trouver quelque chose qui lui plairait s'il me disait quel genre l'intéressait. Le choix s'est porté sur un roman mêlant suspense et romance. Je lui ai tendu ma fine sélection, après avoir fouillé la mini mobile à deux, et il m'a remerciée pour mon aide. Une petite discussion s'en est suivie, et bien que ce fût bref, je suis remontée dans la van avec une joie sincère, prête à redonner cette énergie.
Ensuite, nous nous sommes rendus à la Mission Old Brewery, où deux personnes ont immédiatement reconnu la van en me demandant si c'étaient bien nous, « les lunettes ». Bientôt, un petit groupe de personnes s'est formé autour de la van. On m'a demandé si j'étais nouvelle, d'où je venais, et après une discussion sur les charmes de la Belgique, Martin m'a demandé mon prénom après s'être présenté. Peu après ça, il me demande si nous avons encore des carnets de dessins car Martin me dit que c’est quelque chose qui lui fait « un peu oublier ce genre d'endroit ». La conversation était légère, imprégnée de la réalité de notre rencontre certes, mais tout de même légère. Après avoir ri ensemble, l'ami de Martin m'a demandé une paire de lunettes et je suis remontée dans la van pour en trouver. Pour m'aider à descendre, il m'a tendu son bras que j'ai accepté avec plaisir. Lorsqu'il m'a dit au revoir en me tendant la main, il a remarqué les extensions au bout de mes doigts. J'ai créé la surprise en enlevant mes gants, révélant littéralement des griffes peinturées, et je n'ai jamais eu d'aussi jolis compliments sur ma manucure.
Nous nous sommes à nouveau arrêtés, cette fois-ci au croisement de Milton et Parc, où une rencontre particulière a eu lieu avec quatre personnes. J'ai choisi de m'installer à côté d'une personne du groupe qui écoutait de la musique. Cette personne m'a tendu son téléphone avec enthousiasme, me montrant l'artiste tout en souriant et me fixant dans les yeux, prononçant un joyeux "Inuit music !". Je suis restée là un petit moment, à ne pas faire grand-chose hormis écouter la fin de la chanson. Encore une fois, en repartant j’affichais un sincère sourire et en me retournant, j’ai réalisé que nous étions deux à le partager.
De retour dans la van, mes pensées faisaient leur chemin vers ce que j'allais réaliser ce jour-là : rencontrer sans préjugés et avec un sourire sincère allait m'humaniser moi. Finalement, je n'étais qu'une personne discutant, rigolant et partageant avec une autre personne, je n'avais plus besoin de me rappeler certains mots de David, je le sentais désormais.
La réalité de l'itinérance à Montréal ne m'était pas très familière au-delà des chiffres que j'avais étudiés plus tôt chez Exeko. Il s'agissait désormais de personnes, d'êtres humains que j'avais eu la chance de rencontrer pour certain•e•s. Je ne pouvais plus ignorer la réalité humaine de cette situation, et je réalisais que beaucoup de choses me restaient encore à déconstruire.
Cette matinée de novembre était le début de mon cheminement vers cette déconstruction et de mon éveil sur mon rôle dans cet enjeu. J'allais désormais apprendre avec plus de recul, comprendre avec plus de discernement et rencontrer avec plus de compassion, d'égal à égal.